Le Procureur Spécial de la CRIEF (Cour de Répression des Infractions Economiques et Financières) bafoue-t-il les droits des clients des Avocats ?
Dans les attributions du pouvoir judiciaire, on peut retenir que ‘’Nul ne peut être arbitrairement détenu. Le pouvoir judiciaire, gardien des libertés individuelles assure le respect de ce principe dans les conditions fixées par la loi’’. Mais depuis le 05 Septembre 2021, les nouvelles autorités du CNRD (Comité National Pour le Rassemblement et Développement) ont décidé de faire de la justice une boussole. Mais ce renouveau est malheureusement entaché, selon les Avocats à l’Hôtel Kaloum le 15 Avril 2022 du non-respect des engagements formulés en ces temps 2021 sur la justice et surtout par le mauvais traitement réservé à leurs clients. Or, le Droit Pénal est un droit de certitude. Ce qui n’est pas fait depuis Février 2022. Comment placer quelqu’un en mandat de dépôt et le garder pendant dix (10) jours, s’exclamait Maître Dinah Sampil. Le statut de présomption d’innocence ne transparaît quand ils sont trimballés dans les locaux disciplinaires de la Gendarmerie pendant près d’un (1) mois. Le cas de Dr Ibrahima Kassory Fofana pourtant ex-Premier Ministre en détention préventive pour blanchissement d’argent, corruption, flagrant délit est sans précédent.
Pour une bonne partie de l’opinion publique, ce Docteur économiste aurait été mis au placard, ‘’jugé trop dangereux pour l’establishment’’. A ses proches, il n’a jamais caché ses ambitions politiques. Il croit en une Guinée modernisée, émergente, efficace, à une rénovation qui permettrait aux classes défavorisées d’entrer dans le wagon du développement. Il y a aussi de l’équilibrisme dans cette approche. Il s’agit, à la fois, de parler à la Guinée des déshérités et d’engager une transformation économique par le haut. On est alors dans la disruption économique, pragmatique, loin finalement de tout discours idéologique. Cloué au Pilori par certains partis et une certaine élite qui le juge avant même que la CRIEF ne se soit prononcée, Dr Ibrahima Kassory Fofana avance dans l’adversité. Son parti, le RPG Arc-En-ciel est totalement mobilisé en vue des élections Législatives et Présidentielles prochaines. Et dans les sondages, la formation est souvent en tête. Une bataille de la défense des Avocats contre les méandres de la justice et les décisions arbitraires, selon Maître Dinah Sampil, est claire. La libération de Dr Ibrahima Kassory Fofana, Oyé Guilavogui, Dr Mohamed Diané, Zakaria Koulibaly et autres pourrait changer totalement la donne.
QUE PEUT FAIRE LA CRIEF ?
La CRIEF s’est donnée deux (2) missions prioritaires :
– La première consiste à mettre en place un cadre réglementaire clair et efficace pour lutter contre les infractions économiques et financières.
– La seconde c’est d’amener la presse à couvrir avec la neutralité et le métier requis. Là, il aurait fallu passer à des ateliers de formation avant d’ouvrir les assises. Peut-être, la sollicitation des ONG spécialisées aurait pu faciliter les choses. Ainsi, les télévisions-radios, la presse écrite et électronique doivent jouer un rôle positif en informant le public et en observant une stricte neutralité pour éviter d’alimenter les suspicions des uns et des autres. Une tâche qui s’avère ardue puisque les récriminations des Avocats devant les agissements du Procureur Spécial Aly Touré ont pris de court la presse. Ainsi, on entend l’ex-bâtonnier Dinah Sampil ‘’le Procureur devrait faire amende légale car il s’agit d’un ex-Premier Ministre qui a eu à présider plusieurs destinées. Ce qu’on lui reproche, c’est le fait de ne s’être pas comporté comme la loi exige.
La moralisation de la vie publique est-ce la ‘’faillite de l’élite’’ ?
C’est vrai que le procès public est en place. Incarcérer une bribe de politiciens veut-il dire que les élites du pays auraient ‘’failli’’ ? Non, car les intellectuels, les hauts fonctionnaires, les entrepreneurs, les hommes d’affaires, ces générations d’hommes et de femmes ont largement contribué à la création d’un Etat moderne. Le Ministère de l’Economie et des Finances de 1996 à 1999 s’est inscrit dans les certitudes d’un autre âge. Une grande partie du monde intellectuel est restée comme sidérée par l’impact « lutte contre la corruption » en 1997, par la découverte d’un pays entièrement différent de son apparence officielle, lorsqu’Ibrahima Kassory Fofana fût Ministre de l’Economie et des Finances. Cette rupture entre ‘’élite et peuple’’ recoupe la Guinée des quatre (4) régions. Elle recoupe un conflit de générations entre ceux plus âgés qui sont aux commandes du pays et ceux plus jeunes diplômés au chômage qui restent en marge des profits et des responsabilités. La liste des autres accusés démontre le clivage entre l’économie de service, celle de la monétique, et de l’écosystème ravagé des Industries, des Mines, d’un secteur public plombé, etc… Si l’élite a failli, c’est surtout dans cette mauvaise lecture de la Guinée réelle.
LE POOL DES AVOCATS DENONCE LE FAIT QUE LA REGLE SPECIALE DEROGE A LA REGLE GENERALE
Tout en acceptant que dans le cadre de la moralisation de la vie publique, Maître Sékou Kondiano, Maître Bérété et le Bâtonnier Maître Kouyaté s’insurgent contre la juxtaposition opérée par le procureur spécial.
Comment peut-on justifier la flagrance de délits (article 114) avec le blanchissement, la corruption, le détournement de biens publics ou l’enrichissement illicite ?
Cette surcharge de délits étonne les Avocats car selon le code pénal, le Procureur Spécial fait recours à plusieurs articles notamment 461, 462, 465.
C’est vrai que le Procureur Moderne ne veut plus s’accrocher à la tutelle. De quoi ne pas donner l’impression d’une soumission à une autorité. Mais les Avocats tombent de biais quant à l’audience en référé de l’ex-Ministre Dioubaté du Budget, le Procureur Spécial Aly Touré se produit en cassation au sujet de l’expertise du bâtiment offert en garantie. Que doit-on dire : est-ce un flagrant délit ? Le Procureur Aly Touré, autorité de poursuite devient-il alors autorité de juridiction ? Dans des circonstances exceptionnelles, il peut même décerner un mandat de dépôt. Face à ce flou, où il poursuit, il inculpe, il place en mandat de dépôt, va-t-on vers la violation de la loi ?
Pour ne pas créer le cafouillage, les Avocats déplorent qu’on puisse soumettre leurs clients à la fois au contrôle judiciaire et à la chambre d’instruction. Leur vœu est la libération totale assurée à leurs clients. Ils estiment que l’audience en référé du 19 Avril 2022 reportée au 21 Avril 2022 est ‘’irrégulière, impitoyable, sans justificatif’’.
LA LOI D’EXCLUSION EN POLITIQUE EST-ELLE POSSIBLE EN GUINEE ?
‘’Pourquoi des militaires aux compétences gestionnaires forcément limitées apparaissent-ils comme les seuls vecteurs d’alternance au détriment des partis politiques et des élus ? Pourquoi cette fascination pour des pouvoirs autoritaires et souverainistes incarnés par des hommes forts en Ray-ban et battle-dress, habiles à jouer de leurs images et des frustrations populaires ? Pourquoi ce rejet des élections et cette défiance à l’encontre de la classe politique ? Ce que beaucoup de commentateurs analysent comme une régression est en réalité le reflet de l’incapacité de pays africains à construire un modèle politique et de développement adapté aux spécificités de leurs sociétés et de leurs cultures. Soixante (60) ans après les Indépendances, ‘’les bons élèves’’ de Paris, de Bruxelles et de Washington sont encore ceux qui revêtent le jour les habits prêt-à-porter de la démocratie et des valeurs universelles en (réalité occidentales) quitte à les ôter la nuit venue s’insurge François Soudan (Jeune Afrique N°3110, mars 2022, les idiots utiles de Bamako, p.26).
La politique en Afrique en Général et en Guinée en particulier change de ton. N’est-t-elle l’art de diriger la Société ? Comment peut-on porter un intérêt à l’Afrique où les juges sont généralement vénaux s’interroge Christian D’Alayer dans African Business. Ce qui est sans doute vrai mais pas, notamment dans les pays qui sont sous la coupe de l’Afrique du Sud ou qui ont beaucoup avancé dans le processus de l’OHADA (Organisation pour l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique) soit tout de même, de nombreux pays ! Nos pays ont connu la démocratie tard. Cela ne veut pas dire qu’il faut favoriser les petits en humiliant les majors. La politique est l’art de gérer la cité. François Mitterrand le Président Français, jeune ne doutait de rien quand il quitta sa bourgade pour rejoindre son oncle à la Capitale Française, qui était Député. Voilà la genèse de sa vie politique jusqu’à ce qu’il devienne Président de la République Française le 10 Mai 1981. Lui qui a fait la 4ème et même la 5ème République, doit-on, parce que la politique entraîne des surprises agréables et désagréables, le forcer à signer un parchemin pour se retirer de la vie politique ? La politique connaît des soubresauts. S’il a fait cela, sera-t-il Président le 10 Mai 1981 ? Il y a des aléas en politique quand on s’y engage, il y’a le pire, il y’a le bien. Vouloir contraindre un des clients des Avocats à se retirer de la politique c’est enterrer sa propre existence. La politique est une volonté et non une contrainte. Concevoir des volets de retour en arrière pour amener les Avocats à se dessaisir de leurs dossiers est une stratégie un peu tirée par les cheveux. Cela relève d’un savant montage technique. Comment peut-on retirer un citoyen de la gestion de sa cité ? Comme nous l’avons évoqué précédemment, les premiers leaders de l’indépendance en 1958 étaient composés de dockers, de peu d’intellectuels, de syndicalistes. Comment peut-on établir une loi d’exclusion en 2022 pour prendre un inculte en politique pour la magistrature suprême ? Veut-on embraser la Guinée ? Or, la loi d’exclusion du précédent régime n’a même pas été visée par le Président déchu. C’est pourquoi, nous invitons le Procureur Spécial Aly Touré à ne pas emballer ‘’contrôle judiciaire, chambre d’instruction’’. Il faut la liberté totale des prévenus quand il est sans réponse. Car les Avocats ne s’associent pas à un blanchiment de mandats. C’est pourquoi, ils ont conseillé à leurs clients de ne pas se présenter à une rétention à la maison d’arrêt de Coronthie.
Parallèlement, un grand économiste Béninois disait à ses étudiants à la Faculté des Sciences Juridiques et Economiques d’Alors au Bénin ceci ‘’quand on est Ministre de l’Economie et des Finances, on n’a pas besoin de détourner pour être heureux. En six (6) mois, les contrats que vous signez dans les finances ou autres vous suffisent’’. Six (6) mois après, le même personnage devint Ministre de l’Economie et des Finances en 1992. Il construisit un Château par la suite. Est-ce à dire qu’il a détourné ? Où est la preuve ? S’est-il enrichit illicitement ? Y a-t-il des normes interdisant cela ? Doit-on parler de corruption ? Est-ce une corruption passive ou active ? En tout cas, la Conférence Nationale n’en a pas fait cas. A cet effet comment le Procureur Spécial peut-il parler de flagrant délit quand ses yeux ne sont pas présents partout comme les ‘’ray-ban’’ de nos dirigeants révolutionnaires ou forces spéciales ? Comment peut-on parler de ‘’flagrant délit’’ à un Chef de Gouvernement alors qu’il n’est plus en poste depuis huit (8) mois ? Or, la discrétion, la diplomatie s’imposent dans les discussions entre lui et les hommes d’affaires, les envoyés spéciaux ou autres. Comment peut-on alors que le mandat de Premier Ministre ne lui est pas retiré, songer à prononcer le mot ‘’blanchiment’’ à ce niveau de responsabilité, comparant ce haut représentant qu’est le Premier Ministre à un vil narco trafiquant ? N’est-ce-pas la raison pour laquelle les Avocats poussent un cri de révolte en parlant de ‘’plainte forfaitaire’’ du Procureur Spécial ?
Détournement de biens publics : Comment depuis en 1984, Dr Ibrahima Kassory Fofana qui a conduit très jeune la lanterne de la libéralisation avec le Comité Militaire de Redressement National (CMRN) ne peut-il pas bénéficier des subsides de ses efforts ? Est-ce-que ce sont ces subsides en retour que vous appelez maintenant détournement de biens publics ?
Le politicien ne peut quand même pas veiller, risquer sa vie et ne pas en bénéficier. Non, nous n’appelons pas détournement de biens publics. Il s’agit ‘’bénéfice de risques de la politique’’. Dans le domaine de ‘’l’enrichissement illicite’’, la Guinée ne doit pas faire exception. Y a-t-il une loi en la matière maintenant ?
Sinon, établissons-là d’abord et voyons par la suite. N’accusons pas les gens avec ce que nous voyons ou entendons chez les autres. Avec le CNRD, c’est le moment de légiférer en la matière. Dans ce dossier de justice, auxquels font face l’ex-Premier Ministre, Ibrahima Kassory Fofana et certains de ses Ministres, nous voyons qu’il y’a un vide juridique et qu’il faut solliciter un relâchement total pur et simple de ses hauts cadres et renvoyer la CRIEF à mieux se pourvoir. C’est pourquoi, les impairs des préparatifs du 6 Avril 2022, suite à un mandat décerné de façon précipitée, selon l’ex-bâtonnier Dinah Sampil n’ont pas eu de suite ; car les Avocats à l’audience du 11, 12 Avril passé étaient prêts à ‘’guerroyer’’ selon les termes de Maître Sampil. Mais le Procureur Spécial au sujet de Monsieur Dioubaté avec ses deux (2) autres collègues a fait rétropédalage en saisissant la chambre d’accusation. Devant cette confusion de mandats, les Avocats ont conseillé leurs clients de rester à leur place. Car ils ‘’récusent’’ une rétention à la maison d’arrêt.
Don de Dieu Agossou