Dans un décret pris ce vendredi 28 mars 2025, le Président-Général Mamadi Doumbouya, a accordé une grâce présidentielle à l’ancien chef de la junte guinéenne, Moussa Dadis Camara. Condamné en avril 2024 à 20 ans de prison pour le massacre du 28 septembre 2009, l’ex-capitaine avait interjeté appel de sa condamnation en première instance. Cette décision, qui suscite de nombreuses réactions, s’inscrit pourtant dans une tradition internationale de clémence présidentielle fondée sur des considérations humanitaires et politiques.
La grâce présidentielle est une prérogative souveraine permettant à un chef d’État d’atténuer ou d’annuler totalement une condamnation. Elle ne remet pas en cause la culpabilité du condamné, mais suspend ou réduit l’exécution de la peine. Si, en principe, elle intervient lorsque toutes les voies de recours sont épuisées, plusieurs précédents à travers le monde montrent que des chefs d’État ont usé de ce pouvoir pour des raisons humanitaires, y compris lorsque des procédures judiciaires étaient encore en cours.
■Des précédents internationaux notables :
●Omar Raddad (France, 1998) : Bien que condamné pour meurtre, Omar Raddad obtint une grâce partielle de Jacques Chirac alors qu’une révision de son procès était envisagée. Cette décision permit d’ouvrir la voie à une réévaluation judiciaire de l’affaire.
●Jean-Charles Marchiani (France, 2009) : Ancien préfet et ex-agent secret français, fut gracié par Nicolas Sarkozy malgré l’existence de recours en cours. Ce geste fut interprété comme une reconnaissance des services rendus à la nation.
●Augusto Pinochet (Royaume-Uni, 1998) : l’ancien dictateur chilien, arrêté à Londres pour crimes contre l’humanité, fut libéré pour raisons de santé par le gouvernement britannique, malgré une procédure d’extradition en cours. Son état de santé précaire avait été mis en avant pour justifier cette décision.
L’initiative du Général Mamadi Doumbouya s’inscrit dans cette lignée de décisions où la clémence présidentielle prime sur des considérations strictement judiciaires. La Guinée, en tant qu’État souverain, dispose du pouvoir d’accorder une grâce en fonction des réalités politiques, sociales et humanitaires du moment.
La grâce de Moussa Dadis Camara repose sur des motifs humanitaires, son état de santé ayant été évoqué dans les débats. La détention d’un ancien chef d’État malade peut être perçue comme une source de tensions et un obstacle à la réconciliation nationale. Cette mesure vise donc aussi à préserver la stabilité du pays.
Loin d’être une anomalie, la grâce accordée à Moussa Dadis Camara s’aligne sur des précédents internationaux où la clémence présidentielle a prévalu sur la stricte rigueur judiciaire. Elle reflète la volonté du Président Mamadi Doumbouya d’agir en chef d’État responsable, soucieux de la stabilité nationale et des impératifs humanitaires. Cette décision, bien que controversée, rappelle que la justice ne se limite pas à la sanction, mais inclut également la possibilité de la clémence, quand les circonstances l’exigent.
Par Aboubacar SAKHO
Juriste-journaliste