En politique, chaque signature engage une responsabilité. Lorsqu’un ministre appose son paraphe sur un document officiel, il n’engage pas seulement son propre nom, mais aussi celui de l’État et des institutions qu’il représente. Pourtant, certains responsables gouvernementaux prennent cette tâche à la légère, validant des documents sans en prendre pleinement connaissance. Une pratique aux conséquences potentiellement désastreuses, tant sur le plan juridique qu’administratif et politique, comme en témoignent certains cas en Guinée.
●Une responsabilité juridique et pénale engageante
Signer un document sans le lire, c’est prendre le risque de cautionner des actes illégaux à son insu. En validant un texte dont il ne maîtrise pas le contenu, un ministre peut se retrouver impliqué dans des affaires de détournement de fonds, d’abus de pouvoir, voire de faux et usage de faux. En Guinée, la Cour de Répression des Infractions Économiques et Financières (CRIEF) veille au respect des procédures et peut interpeller tout haut responsable suspecté d’avoir failli à ses obligations. Or, en matière de gestion publique, la négligence n’exonère pas de la responsabilité pénale. Un ministre inattentif peut ainsi être poursuivi pour faute de gestion, voire pour complicité dans des malversations financières.
●Un risque pour la bonne gouvernance
Garant de la bonne administration de son département, un ministre doit veiller à la cohérence et à la légalité des décisions prises en son nom. Or, en signant des documents sans les examiner, il ouvre la porte à des erreurs administratives, des décisions incohérentes et des abus de pouvoir. Plus grave encore, certains collaborateurs malintentionnés peuvent profiter de cette faiblesse pour insérer des clauses frauduleuses dans des textes officiels. Un ministre qui ne prend pas le temps de lire devient ainsi vulnérable aux manipulations, facilitant, parfois malgré lui, la corruption et les détournements de fonds publics.
●Une image ternie et des conséquences politiques.
Dans un pays où l’opinion publique est de plus en plus attentive à la gestion des affaires de l’État, un ministre incapable de contrôler les documents qu’il signe s’expose à de sévères critiques. Son attitude peut être perçue comme un manque de sérieux, voire une forme d’incompétence, ce qui ternit son image ainsi que celle du gouvernement tout entier. De plus, une signature mal maîtrisée peut être à l’origine d’un scandale financier ou administratif, alimentant la défiance des citoyens et ouvrant la voie à une éventuelle sanction politique, voire à une démission forcée.
●Des conséquences économiques et institutionnelles.
Au-delà de l’image politique, une telle négligence peut avoir des répercussions économiques et administratives majeures. Un ministre laxiste peut entraîner un relâchement général au sein de son département, affaiblissant la discipline et la rigueur administrative. Sur le plan financier, une signature précipitée peut engager l’État dans des contrats désavantageux, occasionnant d’énormes pertes pour les finances publiques et compromettant des projets essentiels au développement du pays.
●L’exemple d’Aly Seydouba Soumah : une rigueur nécessaire
Face à ces risques, certains ministres ont adopté une approche exemplaire. C’est le cas d’Aly Seydouba Soumah, ancien ministre de l’Énergie, de l’Hydraulique et des Hydrocarbures, dont la rigueur en matière de validation documentaire est reconnue. Avant d’apposer sa signature, il exigeait une lecture préalable des documents sur papier blanc, effectuait les corrections nécessaires, puis validait leur impression sur papier en-tête officiel avant de relire et signer. Une méthode méthodique qui réduit considérablement les risques d’erreur et protège l’intégrité de l’administration.
●Le cas troublant du Dr Ousmane Kaba
À l’inverse, certaines pratiques laissent perplexe. L’ancien ministre de l’Économie et des Finances, Dr Ousmane Kaba, a récemment choqué l’opinion publique guinéenne en reconnaissant devant la CRIEF qu’il ne lisait pas les documents avant de les signer. Une déclaration qui jette un doute sur la rigueur de la gestion financière de l’époque et soulève de nombreuses interrogations sur les pratiques administratives au sein du gouvernement. Un tel aveu, loin d’être anodin, pourrait avoir des conséquences judiciaires et politiques lourdes.
●Lire avant de signer : une règle d’or incontournable.
En somme, un ministre qui appose sa signature sans vérifier le contenu des documents prend un risque considérable, tant pour sa carrière que pour la gouvernance du pays. L’exemple d’Aly Soumah illustre l’importance de la vigilance et du contrôle systématique avant toute validation. À l’ère de la transparence et de la redevabilité, il est impératif que les responsables publics prennent conscience de l’impact de leurs décisions. Car en politique, une simple signature peut avoir des répercussions considérables.
Par Aboubacar SAKHO
*Journaliste-juriste*