Dans le paysage littéraire et socio-politique guinéen, peu de noms résonnent avec autant de force que celui de Thierno Monénembo. Écrivain prolifique, intellectuel lucide et observateur acéré de son temps, Monénembo a, à travers ses œuvres et ses prises de position, marqué des générations entières. Ses dernières publications, tout comme ses interventions publiques, ont suscité des débats passionnés, voire des controverses. Mais au-delà des polémiques, une chose reste indéniable : Monénembo est un esprit libre, un homme de lettres qui assume ses convictions sans complaisance ni ethnocentrisme.
Un romancier qui a bercé nos années lycée
Qui parmi nous, ayant fréquenté les bancs du lycée en Guinée ou ailleurs en Afrique, n’a pas été captivé par des romans comme « Les Écailles du ciel » (1986), « Un rêve utile » (1991), ou encore « Le Roi de Kahel » (2008, Prix Renaudot) ? Ces œuvres, riches en profondeur historique et humaine, ont façonné notre imaginaire collectif. Monénembo a cette capacité rare de mêler fiction et réalité, de convoquer le passé pour éclairer le présent, sans jamais tomber dans le manichéisme.
Ses récits, souvent ancrés dans l’histoire tumultueuse de la Guinée et de l’Afrique, ne sont pas de simples divertissements : ce sont des miroirs tendis à une société en quête de repères. Qui pourrait oublier la puissance narrative de « Peuls » (2004), où il explore avec une justesse remarquable les complexités identitaires ?
Monénembo est un intellectuel qui s’assume, loin des chapelles ethniques ou politiques.
Certains, par facilité ou malhonnêteté intellectuelle, ont tenté de réduire Monénembo à des étiquettes réductrices : « opposant », « ethnocentriste », voire « provocateur ». Rien n’est plus faux. Monénembo n’est contre aucun dirigeant en particulier ; il est contre la médiocrité, l’injustice et l’oubli. Ses critiques, parfois acerbes, ne visent aucun clan, mais plutôt les dérives du pouvoir, quelles qu’en soient les origines.
Dans un pays où les divisions ethniques sont souvent instrumentalisées, Monénembo reste un rare exemple d’intellectuel transcendant les clivages. Ses prises de position, bien que discutables pour certains, sont toujours le fruit d’une réflexion profonde, jamais d’un esprit sectaire.
Monénembo est un homme avec ses faiblesses, comme tant d’autres.
Il est malheureusement courant que des détracteurs, à court d’arguments, s’attaquent à la vie privée des personnalités publiques. Ainsi, certains évoquent le penchant de Monénembo pour l’alcool comme s’il s’agissait d’une tare rédhibitoire. Mais depuis quand un vice personnel invalide-t-il la pertinence d’une pensée ?
L’histoire regorge de grands esprits aux habitudes controversées : Winston Churchill, génie politique, était un buveur notoire ; Ernest Hemingway, l’un des plus grands écrivains du XXe siècle, avait une relation tumultueuse avec l’alcool. Ces traits n’ont jamais occulté leur héritage. Pourquoi en serait-il autrement pour Monénembo ?
Monénembo est un esprit libre à préserver.
Il est bien plus qu’un écrivain : c’est une conscience. Ses idées peuvent déranger, ses positions peuvent être débattues, mais son droit à la liberté d’expression et sa probité morale doivent rester hors de toute atteinte.
En ces temps où l’intellectualisme est souvent noyé dans les querelles partisanes, des voix comme la sienne sont précieuses. Plutôt que de le clouer au pilori pour ses excès ou ses opinions, célébrons l’homme qui, à travers ses romans et ses engagements, a offert à la Guinée une part de sa grandeur.
La postérité, elle, sera impartiale.
Je l’espère profondément !
Caleb Kolié